Platon
Il faut donc se représenter l'âme comme une puissance composée par nature d'un attelage ailé et d'un cocher. Cela étant, chez les dieux, les chevaux et les cochers sont tous bons et de bonne race, alors que, pour le reste des vivants, il y a mélange. Chez nous - premier point - celui qui commande est le cocher d'un équipage apparié ; de ces deux chevaux, - second point - l'un est beau et bon pour celui qui commande, et d'une race bonne et belle, alors que l'autre est le contraire et d'une race contraire. Dès lors, dans notre cas, c'est quelque chose de difficile et d'ingrat que d'être cocher.
Commentaire :
Pourquoi Platon convoque-t-il cette image ? Sans doute parce qu'il nous est difficile, voire impossible, de définir réellement ce qui nous tient lieu de principe. Ce qui structure notre être, ce qui nous est le plus proche et le plus profond est aussi ce qui est le plus difficile à saisir par l'intelligence. L'âme est principe. En tant que telle, elle est inengendrée et immortelle. Mais il nous faut comprendre en quoi consiste sa nature, afin d'être capable de porter notre amour vers ce qui lui est le plus propre. Ce souci qu'ont les Grecs du propre, de la conformité à une nature, s'instaure dans le décalage entre le proche et le lointain. Le recours à l'image désigne cet espace commun au vrai et au désir que le philosophe doit investir.
Chez les vivants - chez les dieux comme chez les hommes - l'âme est une force active. Mais quel est le rapport entre les états de l'âme ( pathè ) et les actes qui en procèdent ( erga ) ? L'attelage illustre le double réquisit de la structure composée, expliquant la diversité des états, et de l'unité de conduite ou de tempérament qui en ressort. Chez les dieux, la structure de l'attelage et son comportement sont dans une continuité cohérente, de telle sorte qu'une fausse manoeuvre est par principe exclue. Les ailes portent sans encombre l'attelage au sommet de la voûte céleste par un mouvement ascensionnel