La poésie de Paul Eluard naît avec le mouvement surréaliste. Ecrivain engagé, Eluard donne à la poésie surréaliste une voix neuve en utilisant un langage accessible à tous qui trouve sa force dans la simplicité des mots et la modernité de son expression. Malgré cette modernité, le lyrisme de Paul Eluard, poursuivant la tradition poétique française de Ronsard à Apollinaire, se fait universel. Lors d’une conférence prononcée à Londres en 1936, dont les extraits seront publiés en 1937 dans son ouvrage l’Evidence poétique, Eluard affirme que les poètes possèdent « l’assurance de parler pour tous ». Dans quelle mesure peut-on valider cette thèse ? Le poète est-il un homme qui parle pour tous et au nom de tous ? Nous tenterons dans un premier temps, d’envisager un certain nombre d’éléments qui pourraient soutenir le point de vue d’Eluard avant de nous pencher sur les éléments qui pourraient le contredire et nous tenterons, enfin, de proposer une conception approfondie du poète, de sa place et de sa relation aux hommes. Le poète est tout d’abord l’homme d’un temps, de certains groupes et de certains milieux qui s’expriment à travers lui et pour lesquels il s’exprime. Comme la peinture et les autres arts, la poésie a évolué au cours des siècles. Bien avant l’invention de l’écriture, la poésie représentait d’abord pour les hommes un moyen de retenir et de conserver dans leur mémoire des textes précieux qu’ils désiraient transmettre à leurs descendants. L’art poétique représente par la répétition des sonorités, les rimes ou encore les images employées un moyen précieux de transmettre et de véhiculer oralement un certain nombre de connaissances essentielles de génération en génération et de les marquer dans l’esprit des hommes. Cette utilisation de la poésie qui vise à plaire tout en instruisant fut largement reprise tout au long de l’histoire littéraire. Au XVIIème siècle, par exemple, et bien avant avec l’œuvre d’Esope, les Fables de la Fontaine majoritairement