La rencontre de Pacy. Je fus surpris en entrant dans ce bourg, dy voir tous les habitants en alarme. Ils se prcipitaient de leurs maisons pour courir en foule la porte dune mauvaise htellerie, devant laquelle taient deux chariots couverts. Les chevaux, qui taient encore attels et qui paraissaient fumants de fatigue et de chaleur, marquaient que ces deux voitures ne faisaient quarriver. Je marrtai un moment pour minformer do venait le tumulte mais je tirai peu dclaircissement dune populace curieuse, qui ne faisait nulle attention mes demandes, et qui savanait toujours vers lhtellerie, en se poussant avec beaucoup de confusion. Enfin, un archer revtu dune bandoulire, et le mousquet sur lpaule, ayant paru la porte, je lui fis signe de la main de venir moi. Je le priai de mapprendre le sujet de ce dsordre. Ce nest rien, monsieur, me dit-il cest une douzaine de filles de joie que je conduis, avec mes compagnons, jusquau Havre-de-Grce, o nous les ferons embarquer pour lAmrique. Il y en a quelques-unes de jolies, et cest apparemment ce qui excite la curiosit de ces bons paysans. Jaurais pass aprs cette explication, si je neusse t arrt par les exclamations dune vieille femme qui sortait de lhtellerie en joignant les mains, et criant que ctait une chose barbare, une chose qui faisait horreur et compassion. De quoi sagit-il donc lui dis-je. Ah monsieur, entrez, rpondit-elle, et voyez si ce spectacle nest pas capable de fendre le cur La curiosit me fit descendre de mon cheval, que je laissai mon palefrenier. Jentrai avec peine, en perant la foule, et je vis, en effet, quelque chose dassez touchant. Parmi les douze filles qui taient enchanes six par six par le milieu du corps, il y en avait une dont lair et la figure taient si peu conformes sa condition, quen tout autre tat je leusse prise pour une personne du premier rang. Sa tristesse et la salet de son linge et de ses habits lenlaidissaient si peu que sa vue minspira du respect et de la piti. Elle tchait