portrait d'un antidreyfusard
Critique d’art, journaliste, écrivain, Mirbeau fut tout autant célébré par les avant-gardes littéraires et artistiques de son temps qu’il fut détesté et dénoncé par les forces réactionnaires du pays. Toute une partie de son oeuvre jugée « scandaleuse » (démystification de la défaite de 1870, dénonciation des prêtres pédophiles, charges à répétition contre les vices et ridicules de la bourgeoisie...) fait aussi de lui, d'une certaine manière, un Oscar Wilde français.
Individualiste, libertaire, politiquement incorrect, subversif, il était - selon le mot de Sartre- « irrécupérable ». Pour Zola, il est le « justicier qui a donné son cœur aux misérables et aux souffrants de ce monde ». S’il ne se rallie officiellement à l’anarchisme qu’en 1890, Mirbeau n’a jamais cessé d’être, et de se proclamer, anticlérical, antireligieux, antimilitariste et anti-école « éducastratrice ».
Le Journal d’une femme de chambre (paru en juillet 1900) concentre bon nombre de ses thèmes de prédilection : dénonciation de la bêtise humaine, du bellicisme, de l’antisémitisme, de la bourgeoisie cupide et parasitaire qui dirige une république dont la vocation est de perpétuer la mainmise d’une minorité de privilégiés sur tout le pays.
L’extrait commenté témoigne de l’engagement dreyfusard de Mirbeau. Engagement sur tous les fronts du militantisme, articles, réunions publiques souvent agitées, affrontements avec les nationalistes et antisémites, y compris engagement financier puisqu’il règle de sa poche l’énorme amende à laquelle Zola a été condamné. Le portrait que Mirbeau fait de Joseph (domestique de la famille Lanlaire décrit à travers les yeux de Célestine, femme de chambre), « violemment antisémite » et anti-dreyfusard (« Quant à l'ignoble Dreyfus, il ne faudrait pas qu'il s'avisât à rentrer de l'île du Diable »), cristallise son analyse virulente des différentes formes