Pourquoi desirer l'impossible ?
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La question est en fait ici : est-on responsable de son bonheur ? Pour faire un lien avec notre vieille discussion sur liberté-nécessité: dans le cadre de la nécessité, il n'y pas en effet de responsabilité portant sur l'état heureux ou non de sa vie. C'est une vision terrible, insupportable. Son caractère insupportable doit-elle pourtant nous la faire rejeter a priori ? Mirabelle a introduit une dimension capitale dans notre débat : - Peut-on être heureux dans un monde où l'immense majorité des hommes ne l'est pas ? Peut-on être heureux lorsque la majorité de l'humanité est exploitée, aliénée, souffrante ? La question qui, jusqu'à présent, relevait de la dimension personnelle et subjective devient désormais sociale et politique. L'idée sous-jacente est la suivante : on ne peut pas s'empêcher de se projeter dans autrui. Si autrui souffre, alors je souffre (moins que lui, mais, je souffre dans ma projection). L'acte moral et politique visant à contribuer au bonheur de l'autre ne serait pas, dans le cadre de cette analyse, motivé par une vertu personnelle mais par le simple souci de pas souffrir soi-même. Le revers de ce mécanisme est le suivant : il est impossible de prendre à sa charge tous les malheurs du monde, impossible de se projeter dans TOUTES les figures de la souffrance (figure du Christ). Il est même nécessaire, pour pouvoir se projeter dans la souffrance d'autrui, d'avoir soi-même une stabilité, un petit surplus de bonheur que l'on est prêt à dépenser, ou bien il faut savoir retirer une jouissance de cette position de saint. Or, pour obtenir cette stabilité, ce petit surplus, il est nécessaire d'ignorer l'immense majorité des souffrances du monde, d'ignorer la quasi-totalité du monde (Cf. le mail de Pierre) pour ne se concentrer que sur celle qu'on traite. Mais cette ignorance ne doit pas être un déni, une négation. Plutôt une simple et salutaire mise-entre-parenthèse afin, de mieux pouvoir s'occuper de problèmes où l'on est directement efficace et