Poésie
Elle a parcouru bien du chemin, la poésie, cette survivante à toutes les époques, depuis Ronsard dans l’hymne de l’automne, qui lui assignait le pouvoir de « bien déguiser la vérité des choses/d’un fabuleux manteau dont elles sont encloses » jusqu’à Cocteau qui dans le Rappel à l’ordre (1926), empruntant quasiment la même métaphore, voit dans la poésie celle qui sera capable de « dévoiler […], de nous montrer nues les choses […] ». Entre les deux, Dieu est mort et la poésie a perdu semble-t-il en pouvoir de conjuration et en pouvoirs magiques. On l’aurait donc auparavant si bien crue capable de guérir pour ensuite ne plus jamais lui faire confiance dans le pouvoir d’embellir les choses et la vie ? Examinons d’abord en quoi il semble naturel de demander à la poésie d’embellir la vie et les choses (parce qu’elle en aurait et les moyens et les prétentions) ; puis modérons ces partis pris ancestraux qui voudraient propulser la poésie dans le domaine du Sacré et du Beau par opposition frontale au réel : la poésie, lucide quant à son champ d’action, reste de la littérature et ne saurait changer le réel ; d’autre part, la poésie consciente de ce que le réel peut lui offrir, ne se place pas forcément dans une concurrence avec ce réel, avec les choses et la vie. Enfin, considérons les cas où la poésie loin de réfuter ou de devoir polir et lisser le réel, la vie, les choses, le monde, les expose d’autant plus crûment.
Il semble depuis la naissance même de la poésie, naturel d’attribuer à la poésie des pouvoirs magiques et de lui prêter une puissance d’embellissement du réel. Après tout, le lyrisme d’un Orphée n’est-il pas né d’un manque initial que la Beauté a voulu par la suite apaiser et guérir ? Depuis, on s’est faits à l’idée