Poésies de joachim du bellay.
France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois.
Si tu m’as pour enfant avoué quelquefois,
Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?
France, France, réponds à ma triste querelle.
Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.
Entre les loups cruels j’erre parmi la plaine ;
Je sens venir l’hiver, de qui la froide haleine
D’une tremblante horreur fait hérisser ma peau.
Las, tes autres agneaux n’ont faute de pâture,
Ils ne craignent le loup, le vent, ni la froidure :
Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.
Sonnet IX, tiré des Regrets - 1558
À Cérès, à Bacchus et à Palès
Cérèse d’épis je couronne,
Ce pampre à Bacchus je donne,
Je donne à Palès la grande
Deux pots de lait pour offrande :
Afin que Cérès la blonde
Rendre la plaine Féconde,
Bacchus à la vigne rie,
Et pales à la prairie.
Divers jeux rustiques -1558
De deux amants, à Vénus
Nous deux amant, qui d’un même courage
Sommes unis en ce prochain village,
Chaste Cypris, vouons à ton autel
Avec le lis l’amarante immortel.
Et c’est à fin que notre amour soit telle
Que l’amarante à la fleur immortelle :
Soit toujours pure, et de telle blancheur
Que sont les lis en leur pâle fraîcheur,
Et que nos cœur même lien assemble,
Comme ces fleurs on voit jointes ensemble.
Divers jeux rustiques -1558
Quand la fureur, qui bat…
Quand la fureur, qui bat les grands coupeaux,
Hors de mon coeur l'Olive arrachera,
Avec le chien le loup se couchera,
Fidèle garde aux timides troupeaux.
Le ciel, qui voit avec tant de flambeaux,
Le violent de son cours cessera.
Le feu sans chaud et sans clarté sera,
Obscur le rond des deux astres plus beaux.
Tous animaux changeront de séjour
L'un avec l'autre, et au plus clair du jour
Ressemblera la nuit humide et sombre,
Des prés seront semblables les couleurs,
La mer sans