Probl matique Alimentation
La révolution de l’alimentation industrielle
De l’ancienne peur de « manquer » à l’angoisse contemporaine du « trop ou mal manger », notre société a vécu en soixante ans un profond bouleversement de son rapport à l’alimentation.
Lorsque le traité de Rome crée en 1957 le Marché Commun avec pour principale politique commune celle de l’agriculture, les Français ont encore en mémoire les privations symbolisées par les tickets de rationnement supprimés seulement huit ans auparavant. Deux générations plus tard, 20% des adultes français souffrent d’obésité, 56% de surpoids(chiffres INSEE 2003) tandis que s’accroît notre méconnaissance de ce que nous mangeons vraiment, des tomates poussées hors sol aux porcs élevés à coups de médicaments en passant par les produits de l’industrie agro-alimentaire bourrés d’additifs et de graisses transformées. L’angoisse à bas bruit qui en découle, alimentée par divers scandales alimentaires – de la vache folle aux huiles à la dioxine en passant par les burgers toxiques- renforce l’extraordinaire distance qui s’est établie entre la nourriture et l’être humain qui la consomme.
Ce phénomène de société a évidemment de multiples causes mais la plus importante d’entre elles réside dans la transformation de notre agriculture et de l’alimentation qui en découle en une activité industrielle comme une autre. Quand la politique agricole commune commande d’accroître la productivité et d’assurer l’approvisionnement des consommateurs en produits à un prix raisonnable, le passage à l’agriculture intensive est facilité par la nécessité pour l’industrie chimique de se redéployer après la guerre. Celle-ci va alors fournir ces produits « miracle » que sont les pesticides. Inventés pour combattre l’ensemble des insectes ravageurs (pest en anglais), les pesticides combinés aux engrais accroissent fortement les rendements. Dans la foulée, l’industrie agro-alimentaire libère les femmes de la préparation des