Professeur
Franck Lestringant, spécialiste de Jean de Léry, propose, dans un article du Dictionnaire des Littératures de langue française, un jugement sur l’Histoire d’un voyage en terre du Brésil de cet auteur. Pour définir ce livre, il emploie un mode binaire qui en révèle deux aspects différents. D’un côté, c’est selon lui un « manifeste calviniste » à « la grande prose oratoire, destinée à dénoncer les vices de ses contemporains » et de l’autre, c’est «un témoignage en faveur du “sauvage” » où se lit « la bonhomie de l’observateur évoquant “cette marmaille toute nue” qui “grouille comme petits canars” ou “trepille et gratte la terre comme connils en garenne”. » Jean de Léry est pour Franck Lestringant « un écrivain qui fait alterner » ces deux tons. C’est un Léry double qui est ici dépeint, alternativement observateur bienveillant des Indiens et calviniste, pourfendeur des perversions humaines de son temps, deux facettes d’un écrivain, avant tout, qui varie les styles en fonction de l’objet de son discours. Au-delà de cette alternance, on peut se demander comment l’auteur parvient à concilier ces deux aspects – auxquels correspondent deux styles – apparemment si différents et à rendre l’ensemble cohérent et harmonieux. C’est sur ce point précis que se révèle avec le plus de force le talent de l’écrivain et sa maîtrise du récit. Léry est donc à la fois un observateur, un ethnographe avant l’heure, admiratif de la vie indienne et un pasteur calviniste qui utilise ses observations pour dénoncer « les vices de ses contemporains » par comparaison avec les mœurs indiennes, tout en reconnaissant avec pessimisme que le modèle brésilien ne conduit pas au salut. Enfin, Léry est un écrivain qui rend possible, par son regard rétrospectif et son récit, la réconciliation de ses deux aspirations.
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Jean de Léry est encore un jeune homme lorsqu’il s’embarque pour le Brésil. Il paraît curieux de tout, aventurier