Dans la Préface qu’il rédige pour Les égarements du cœur et de l’esprit, Crébillon écrit : « […] l’homme enfin verrait l’homme tel qu’il est. » Vous vous demanderez dans quelle mesure cette lecture éclaire votre lecture des Egarements et de La Nuit et le Moment.

Dans la préface Crébillon présente sa position par rapport à son œuvre Les égarements du cœur et de l’esprit, publiée en 1735. Selon lui le but de l’écrivain doit être d’instruire le lecteur en le divertissant et il explique que c’est le roman qui est le plus apte à les unir. Cependant, il cherche à se démarquer des écrivains de son siècle. Crébillon revendique en particulier le fait d’écrire des choses plus simples et plus vraisemblables en respectant la bienséance, ce qu’il a réalisé et dans les Egarements et dans son roman dialogué La Nuit et le Moment, rédigé en même temps mais publié vingt ans plus tard. Il refuse en même temps tout ce qui est pittoresque, héroïque et superflu. L’auteur ne doit pas écrire pour plaire à son auditoire mais pour dire la vérité. Dans les deux romans, l’objectif de l’auteur sera donc de montrer la façon d’être des hommes, de dévoiler ses vices et ses aberrations dans la société. Il choisit l’aristocrate pour dépeindre le portrait de l’homme en général et en déduit tous les traits essentiels comme le travail, la nourriture, etc. pour que « l’homme enfin [voie] l’homme tel qu’il est ». Ce qui reste alors c’est l’homme moral dans un univers restreint où règne le jeu de la séduction et de la liaison. Il devient pourtant évident dans les œuvres de Crébillon que cet « homme moral » n’est pas capable d’agir librement mais qu’il est toujours guidé par des forces, ce que Clitandre confirme dans La Nuit et le Moment en parlant de la Philosophie moderne «elle nous a appris à connaître les motifs de nos actions, et à ne plus croire que nous agissons au hasard. » (p.48).
De ce qui suit nous allons observer de plus près la nature de ces forces qui conditionnent continuellement les