Présent passé , passé présent incipit
Dans cette première page du texte d’Ionesco, l’auteur semble vouloir se distancier de l’autobiographie traditionnelle. L’autobiographie traditionnelle comme nous la connaissons est celle de Rousseau ou de Chateaubriand. Ces auteurs dévouaient leurs œuvres à la remise en question de leur existence à travers la poétisation du passé. Rousseau, par exemple, va trouver jouissance et bonheur dans les bras de la Nature. Il cherchera à évoquer tous les plaisirs du passé de manière relativement chronologique en théâtralisant les moments qui lui ont étés chers. En cela, Rousseau invente l’autobiographie traditionnelle. Ionesco, lui, semble faire abstraction de toutes ces règles.
Nous pouvons faire l’hypothèse que cette première page est une remise en question de l’autobiographie traditionnelle. Dans un premier temps, Ionesco décide d’éviter tout cadrage, toute temporalité. Comme le titre de l’œuvre nous l’indique, Ionesco fait des sauts entre passé et présent. Nous observons cette dualité temporale rien que dans les deux premières phrases : « je vois des ombres. J’avais deux ans, je crois. » Il nous est difficile de comprendre dans quel moment se placer. Cet alternation passé et présent va tout de suite conteste un principe fondamental de l’autobiographie traditionnelle : nous trouvons ici aucune théâtralisation du passé car c’est plutôt un réaction soudaine à un événement ancré dans le présent. Nous pourrions supposer qu’Ionesco alterne entre passée et présent et pour remettre en question l’autobiographie et pour faire parvenir cette idée que la réminiscence peut avoir lieu spontanément sans pouvoir être contrôlée.
Dans cet extrait, cet aspect de non contrôle de la réminiscence est traduite à travers ce changement d’action d’un paragraphe à l’autre qui ne suit aucune structure particulière. En effet, le passage