que gagnons nous a travailler?
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Entre le gagne-pain et ce qui permet de gagner sa vie, on devine l’espace dans lequel se déploient les contreparties de l’effort, jamais suffisantes, justifiant qu’on voit toujours en elles un « gagne petit ». Tenter de discerner ce qu’il y a à gagner à travailler, c’est tout de suite penser au salaire, c’est-à-dire à la rétribution échangée contre l’effort que le travailleur consent à effectuer. Pourtant, envisager les choses sous cet angle, c’est réduire au moins deux fois le travail. D’une part parce que même si la soi disant sagesse populaire affirme volontiers que tout travail mérite salaire, on sait bien qu’il existe un travail non salarié. D’autre part parce que si le salaire vient compenser l’effort produit par le travailleur, la souffrance endurée au labeur, alors le travail est avant tout conçu comme une tâche pénible, au sens propre, une peine, qu’on ne consentira à effectuer que si on nous promet une contrepartie en retour. Tout en reconnaissant l’existence d’une telle logique laborieuse réclamant un échange contractuel entre salaire et force de travail, nous verrons que le travail ne se réduit pas à ce genre de mise à prix, et qu’on peut repérer en lui une valeur plus élevée, permettant de mieux en saisir l’essence. C’est en remettant en question l’idéologie d’un travail auquel l’homme serait condamné, effectué uniquement afin de toucher cet argent qui semble si nécessaire à sa survie, ou d’acquérir les biens qui en sont les fruits, qu’on parviendra à mettre en lumière que cette activité spécifiquement humaine est en réalité la seule chance qui s’offre à l’homme de prendre en main, pour de bon, ce qu’il est.
1 – Le salaire de la sueur
Pour établir en quoi le salaire ne peut pas être considéré comme ce qui, par le travail, est gagné, on peut choisir deux orientations. L’une d’elle consisterait à montrer qu’il y a plus intéressant à gagner dans le travail que le salaire, ce sera notre deuxième option. La première visera au contraire à montrer