Que peut la beauté contre la violence?
Le célèbre tableau de Pablo Picasso, Guernica, représente un événement tragique qui s’est déroulé en 1937, le 27 avril, dans le village du même nom. L’aviation nazie, allié au général Franco, bombarda ce village basque. Ainsi, peut-on voir dans ce tableau un témoignage, un cri de colère, une implication de l’artiste face à la violence de la guerre. Pourtant, est-ce vraiment ce qui fonde la beauté de cette fresque ? En effet, cette lutte contre la barbarie humaine ne saurait dire la totalité de l’œuvre ; on peut y voir un sens, mais pas l’ensemble de son être, l’essence de la beauté de ce tableau.
De même, le poète Virgile décrit, dans Les Bucoliques, les verts pâturages d’Arcadie comme un lieu de calme et de sérénité, sans violence aucune. La nature semblerait apaiser les passions humaines. Mais est-ce pour autant que la beauté – qu’elle soit artistique chez Picasso ou naturelle chez Virgile – peut quelque chose contre la violence ?
Il s’agit assurément de deux registres différents. D’un côté la beauté est un idéal esthétique, un jugement sur un aspect du monde. C’est le lieu de l’apparence, du paraître extérieur, mais aussi de l’apparition transformant l’être dans son intériorité. De l’autre la violence est considérée comme une contrainte envers une force déterminée et établie. Si la beauté n’est pas un acte mais une représentation esthétique, la violence, elle est une action qui doit déployer les armes nécessaires à une contrainte. Paul Ricœur, dans Lecture 1, à propos de Violence et langage d’Eric Weil, défini la violence comme « l’empire de l’entre-deux » entre le meurtre (une violence de domination) et l’ouragan (la violence des passions humaines). Ce large champ, cet « empire » peut-il