Que s'est-il passé pour que les adolescents
En 1968, les « seize / vingt-quatre ans » sont en France plus de 8 millions, soit 16,1 % de la population totale. Observant l'onde de choc qui parcourt à cette date la société française et qui ébranle le régime, les commentateurs auront beau jeu d'invoquer une « révolte de la jeunesse » , voire une « révolution juvénile » . Le coup de jeune démographique aurait ainsi débouché sur un coup de force générationnel, effectué par une classe d'âge en dissidence. A bien y regarder, pourtant, les choses paraissent plus complexes. Les « baby-boomers » arrivent alors, de fait, dans ce segment « seize / vingt-quatre ans » : le « baby-boom » est constitué, en effet, à partir de l'immédiat après-guerre, de cohortes annuelles de plus de 840 000 nouveau-nés (1946), soit près de 40 % de plus qu'à la fin des années 1930. Et ce, au sein de familles qui atteindront souvent trois enfants et plus. Et ces jeunes gens ont effectivement fourni le gros des troupes du mouvement de 1968, constituant la masse des « piétons de Mai ». Est-il possible pour autant de s'en tenir à une sorte de généalogie : les enfants de l'après-guerre seraient devenus des adolescents d'abord politiquement assoupis au rythme du « yé-yé » au début des années 1960, puis soudain réveillés et révélés à eux-mêmes par les vertiges de la contestation à la fin de la même décennie ? A supposer qu'une telle généalogie ait quelque fondement, il y aurait, de toute façon, un chaînon manquant. L'historien ne peut se contenter de constater cette alchimie transformant les «