Quels sentiments contradictoires l'amour suscite-t-il chez ces poètes ?
Le sentiment amoureux porte en lui le contraste et suscite à la fois joie et souffrance : joie, lorsque l'amour est partagé ou que l'être aimé est présent, souffrance quand l'amour est ravageur, ou que l'être aimé est absent ou se trouve loin. La poésie lyrique se fait l'écho de cette dualité : ainsi, à la fin du XVIII ème siècle, André Marie de Chénier [dit André Chénier, né le 30 octobre 1762 à Constantinople et mort guillotiné le 25 juillet 1794 à Paris], dans ses Amours, déplore d'être séparé de sa chère «Fanny » ; Baudelaire, au XIXème siècle décrit les tourments de l'amour et Louis Aragon [né le 3 octobre 1897 à Neuilly-sur-Seine, mort le 24 décembre 1982 à Paris] peint son « Amour d'Elsa ». Les plaisirs que suscite l'amour sont traduits par des expressions variées : Chénier fait allusion à un « heureux mortel » (vers 1) Baudelaire parle de son « sein qui se pâme » (vers 5), Elsa « fait chanter » le poète Aragon (vers 36). Cette joie est suscitée par le spectacle des qualités de l'être aimé, désignées par des termes mélioratifs ou des superlatifs : c'est la « grâce, la candeur », la « beauté », les « charmes plus séduisants », « l'aspect bien-aimé » (Fanny), la « Beauté » de la femme inconnue dans « Causerie », (Baudelaire), le « sourire » de Fanny (vers 2) ou d'Elsa (vers 31).
Mais ce sont surtout les images poétiques, comparaisons et métaphores qui rendent compte de l'effet bénéfique de l'amour : certaines d'entre elles par un effet d'amplification, prennent une dimension cosmique, notamment dans l'entame du poème extrait des Fleurs du Mal [« Vous êtes un beau ciel d'automne »]. Elsa se métamorphose en un astre lumineux : « C'est toi non le soleil qui fais pour moi le jour » (vers 15) ; les charmes de Fanny ont un caractère métaphysique puisqu'ils sont assimilés à « des hôtes divins (dont) le ciel est habité » (vers 3). D'autres images suggèrent la richesse et la joie chez Baudelaire,