Quest ce que les lumieres kant
Toujours est‑il qu'en vertu de cette habitude un périodique allemand, la Berlinische Monatsschrift, en décembre 1784, a publié une réponse à la question : Was ist Aufklärung [1] ? Et cette réponse était de Kant.
Texte mineur, peut-être. Mais il me semble qu'avec lui entre discrètement dans l'histoire de la pensée une question à laquelle la philosophie moderne n'a pas été capable de répondre, mais dont elle n'est jamais parvenue à se débarrasser. Et sous des formes diverses, voilà deux siècles maintenant qu'elle la répète. De Hegel à Horckheimer ou à Habermas, en passant par Nietzsche ou Max Weber, il n'y a guère de philosophie qui, directement ou indirectement, n'ait été confrontée à cette même question : quel est donc cet événement qu'on appelle l'Aufklärung et qui a déterminé, pour une part au moins, ce que nous sommes, ce que nous pensons et ce que nous faisons aujourd'hui? Imaginons que la Berlinische Monatsschrift existe encore de nos jours et qu'elle pose à ses lecteurs la question : « Qu'est‑ce que la philosophie moderne? »; peut‑être pourrait‑on lui répondre en écho : la philosophie moderne, c'est celle qui tente de répondre à la question lancée, voilà deux siècles, avec tant d'imprudence: Was ist Aufk1ärung?
Arrêtons‑nous quelques instants sur ce texte de Kant. Pour plusieurs raisons, il mérite de retenir l'attention.
1) À cette même question Moses Mendelssohn, lui aussi, venait de répondre dans le même journal, deux mois auparavant. Mais Kant ne connaissait pas ce texte quand il avait rédigé le sien. Certes, ce n'est pas de ce moment que date la rencontre du mouvement