Réécriture
**** comment envisageriez-vous de porter à la scène le corps et l’âme de Phèdre ?
- Il existe des fatalités extérieures : aujourd’hui l’ordre de mobilisation générale qui sépare deux fiancés et entraîne le jeune soldat vers la mort. Chez Racine, la fatalité est intérieure, constituée par les passions des personnages, notamment par le déchaînement de l’amour et de l’ambition, passions qui je dois dire dominaient la caste aristocratique pour laquelle écrivait Racine. La tragédie, c’est la folie de l’homme, sa recherche obsédée et solitaire du bonheur, la dictature du désir, l’imprévu d’amours forcenées qui naissent en coup de foudre, d’un regard, en ce qui concerne Phèdre. Ce personnage traduit en tout point ce que je viens d’expliquer. Phèdre est une femme complexe que je chercherai pas tous moyens de mettre à nu. Il faut rappeler que les passions consument l’âme et le corps, c’est-à-dire ici la combattent et l’anéantissent. Ces passions sont porteuses de mort. Pour moi Phèdre est un personnage spectateur de sa destiné. C’est un personnage lucide et c’est cette lucidité qui la rend si humaine et qui amène la pitié. J’insisterai beaucoup sur cet attrait et paradoxalement sur ses délires et ses visions.
- Est ce que l’évolution de la passion de Phèdre peut-être inscrite dans une modification de sa tenue vestimentaire?
- Si cela ne tenait qu’à moi je dirai que ce théâtre est une fête du langage : accessoires et gestes sont inutiles, tout se passe à l’intérieur ou au-dessous du langage. Mais bien sûr dans une mise en scène on ne peut pas passer outre les costumes. Selon moi Phèdre aurait trois costumes. Dans la scène 2 acte I elle apparaîtrait dans le plus simple appareil, un voile sur les épaules, montrant dès le départ son aspect fragile, impuissant. Ce serait un peu comme un « laisser aller » qui montrerait une Phèdre désemparée. Ensuite de l’acte II scène 5 à l’acte V elle serait vêtue d’une robe noire découvrant ses épaules, ce qui