Réalisme
Dans La sagesse de l’amour le philosophe contemporain Alain Finkielkraut (chapitre II le visage aimé) propose une relecture de la passion amoureuse à la lueur des profondes réflexions d’Emmanuel Levinas. Au nom de Levinas et de son analyse à la fois métaphysique et éthique de la rencontre d’autrui Finkielkraut prend d’emblée le contre-pied de l’interprétation classique de la passion. On sait que la tradition classique, des Stoïciens à Kant, a condamné, ou en tout cas sévèrement jugé la passion. A l’amour passion on reprochait d’abord sa passivité. A la différence des autres formes d’amour, l’amour passion n’est pas issu d’un choix libre, il est subi, comme par une sorte de fatalité. Il est vécu comme une obsession, une idée fixe, dont l’amoureux passionné reste prisonnier. L’amour passion devient ainsi esclavage, aliénation. Enfin, victime de la cristallisation, la passion amoureuse est erreur et illusion puisque le passionné est totalement incapable d’objectivité, qu’il se trompe sur l’être aimé. Plusieurs penseurs contemporains se montrent eux aussi sévères et critiques envers l’amour passion. Ainsi Alquié dans Le désir d’éternité distingue deux manières d’aimer. Un amour passion d’abord, mais qui n’est pas l’amour véritable. L’amour passion en effet est attaché au passé qui est immuable et fixé pour toujours. Il reste fermé à l’action et préfère l’être, qui est donné, à la valeur, qui est toujours à construire. Ajoutons que dans la mesure où l’être vers lequel tend le passionné est toujours un non-être, une chimère d’être, puisque le passé ne reviendra plus, l’amour passion n’est qu’illusion, il est fondé sur la méconnaissance de son objet. L’être aimé n’y est que le signe ou le symbole d’un passé révolu. Enfin l’amour passion est l’égoïsme même: c’est un amour d’assimilation, «désir de se retrouver et non de se perdre». Il est infantile, cruel, possessif. «Tout amour passion, tout amour du passé, est donc illusion d’amour, et,