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Les paradoxes de l’humanitaire
L’humain confisqué ? par Nathalie Lauriac*
D
e qualificatif, l’humanitaire est devenu substantif. Alors qu’il servait à qualifier une conduite, une pensée, une action, l’humanitaire a acquis une substance propre et se transforme en sujet agissant. L’humanitaire agit sans que soit toujours explicité au nom de quoi se déploie cet agir et à la demande de qui il est mobilisé. Le terme se glisse dans tous les discours, vient habiller d’une parure philanthrope tous types d’actions et de motivations. Lorsqu’il reste qualifiant, la généralisation du terme humanitaire n’est pas non plus sans signification : aide humanitaire, couloir humanitaire, mais également catastrophe humanitaire, voyage humanitaire, jusqu’à la guerre au Kosovo devenue «guerre humanitaire»...
En le diluant, on perd de vue ses acteurs, dans une confusion qui mêle dans un même ensemble devenu opaque les actions menées par l’Etat, les institutions publiques ou para-publiques, nationales ou internationales.
Le terme «humanitaire» s’est imposé dans les années 1980 avec le développement explosif et tapageur des ONG d’urgence entre 1975 et 1985. Médiatiquement incarné par les deux associations d’urgence médicale, Médecins du Monde et
Médecins sans Frontière, l’humanitaire désigne alors un ensemble d’actions mises en œuvre par des Organisations Non Gouvernementales visant à porter secours à des populations dans des situations de crise. Ce terme «ONG» est également récent. Il a été repris et revendiqué par les structures intéressées, ainsi qualifiées dans les années 1970 par les institutions des Nations-Unies pour les distinguer de leurs partenaires habituels, Etats et organisations publiques ou para-publiques.
* Chargée d’études à
Economie & Humanisme.
Organisations privées, elles se définissent en opposition aux gouvernements, à la sphère politique, dans le respect des principes d’impartialité et d’indépendance inscrits dans le droit international humanitaire, avec