Rabelais abbeye de thélème, texte moderne
Lecture analytique n° 2
François Rabelais (1494-1553), Gargantua (1534), chapitre 57
- L’abbaye de Thélème -
Afin de récompenser Frère Jean des Entommeures, Gargantua lui offre de fonder entre Indre et Cher, terre natale de Rabelais, une abbaye qui soit « au contraire de toute autre » : l’abbaye de Thélème, du grec « volonté » ou « désir », dont la description occupe les derniers chapitres du livre.
[?] Pouvoir de l’homme de se déterminer, d’opérer des choix de par sa seule volonté.
2 Au sens figuré, un stimulant
3 soumission digne de mépris
4 au sens figuré, contrainte
5 juments dressées pour les dames
6 cheval destiné à la chasse
7 faucon dressé pour la chasse
8 émerillon : petit faucon
9 vaillants, courageux.
COMMENT ÉTAIT RÉGLÉ
LE MODE DE VIE DES THÉLÉMITES
Toute leur vie était régie non par des lois, des statuts ou des règles, mais selon leur volonté et leur libre arbitre1. Ils sortaient du lit quand bon leur semblait, buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur en venait. Nul ne les éveillait, nul ne les obligeait à boire ni à manger, ni à faire quoi que ce soit. Ainsi en avait décidé Gargantua. Et leur règlement se limitait à cette clause FAIS CE QUE TU VOUDRAS, parce que les gens libres, bien nés, bien éduqués, vivant en bonne société, ont naturellement un instinct, un aiguillon2 qu'ils appellent honneur et qui les pousse toujours à agir vertueusement et les éloigne du vice. Quand ils sont affaiblis et asservis par une vile sujétion3 ou une contrainte, ils utilisent ce noble penchant, par lequel ils aspiraient librement à la vertu, pour se défaire du joug de la servitude4 ; et pour lui échapper, car nous entreprenons toujours ce qui est défendu et convoitons ce qu'on nous refuse. Grâce à cette liberté, ils rivalisèrent d'efforts pour faire tous ce qu'ils voyaient plaire à un seul. Si l'un ou l'une d'entre eux disait : «