REDAZGANI
Meryème Rami
À la recherche du temps perdu est inclassable car synthèse de formes narratives originellement incompatibles, notamment le roman et l’autobiographie. Bâtie sur une suite d’antithèses, l’œuvre de Marcel Proust fait cohabiter réalité et fiction. Délimiter nettement les frontières entre les deux serait une mission impossible. Cette fictionnalisation du réel inscrit l’œuvre dans ce genre antinomique qu’est l’autobiographie fictive. La stratégie proustienne du « je, qui n’est pas moi » n’exclue guère l’éventualité d’une rencontre ou le rapprochement –aux limites de la fusion- de ces deux instances.
Cherchant à faire revivre, à travers une psychologie de l’espace, des moments privilégiés de la vie et à savourer les fragiles bonheurs simples, le héros est curieux de tout, à commencer par lui-même. Il s’étonne de tout, s’interroge sur toutes les banalités qui, grâce à un regard subtil, gagnent indéniablement en profondeur. Le monde est précieux dans ses moindres détails. Chaque chose ou individu a des faces cachées, a des secrets à révéler. La simplicité est toujours trompeuse. La futilité, source de connaissance, favorise la re-naissance infinie de l’être.
Parallèlement à la parcellisation du monde, l’identité est fragmentaire. Sa re-constitution emprunte plusieurs chemins, mobilise des moyens divers. Pour se recomposer et recoller ses morceaux, le sujet se soumet avant à sa propre dispersion, s’oblige à briser le confortable modèle d’unicité, qui n’est qu’un leurre.
Par ailleurs, les désolants spectacles mondains obligent le protagoniste à une retraite contemplative, son passe-temps favori. Tout s’expose à cet exercice. Ainsi, après sa théorie sur le sommeil, Proust analyse le processus du réveil, un thème récurrent dans l’œuvre. Ce qui l’intéresse, c’est moins l’état de veille que ce passage du sommeil à l’éveil, c’est-à-dire ces états intermédiaires entre l’inconscience et la conscience.
Un homme qui dort