Reflexion
— Vous pouvez sortir : il n'y a personne.
Elle descendit des marches mouillées. Oui, la petite place semblait déserte. Son père ne l'embrassa pas, ne lui donna pas même un regard ; il interrogeait l'avocat Duros qui répondait à mi-voix, comme s'ils eussent été épiés. Elle entendait confusément leurs propos :
— Je recevrai demain l'avis officiel du non-lieu.
— Il ne peut plus y avoir de surprise ?
— Non : les carottes sont cuites, comme on dit.
— Après la déposition de mon gendre, c'était couru.
— Couru... couru... On ne sait jamais.
— Du moment que de son propre aveu, il ne comptait jamais les gouttes...
— Vous savez, Larroque, dans ces sortes d'affaires, le témoignage de la victime...
La voix de Thérèse s'éleva :
— Il n'y a pas eu de victime.
— J'ai voulu dire : victime de son imprudence, madame. »
Pour l’étude de l’incipit1 :
Les "bonnes" questions pour l'étude de l'incipit : qui prend en charge le discours ? Qui voit ? Où l'univers de référence se construit-il ?
Il s'agit ici d'un incipit in medias res.
L'incipit de ce texte est un système de récit : troisième personne du singulier, passé simple. L'énoncé est coupé de l'énonciateur, lequel efface les traces de sa présence (absence de déictiques et de modalisation), à la différence d'un système de discours.
Mauriac regarde Thérèse de l'extérieur ; il y a superposition de points de vue (discours indirect libre).
1 Incipit liber signifie "premières lignes du roman" et par extension ses premières