Registre satirique
Je coupe le son de mon appareil auditif. C’est bien le seul avantage qu’il y a à être totalement sourde. Je le fais discrètement pour ne plus avoir à entendre Evelyne déblatérer sur l’échec de son troisième mariage et sur la misogynie de son dernier époux. Je me contente de hocher la tête à rythme régulier : cela devrait suffire à faire mine que je suis la conversation. Entre nous, elle est tellement égocentrique que je n’ai aucun scrupule à le faire. Je ne comprends toujours pas pourquoi j’ai accepté qu’elle me traine ici. Evelyne estime que je suis une vieille fille insortable, et je voulais lui montrer qu’elle avait tord en acceptant. Je ne me doutais pas qu’elle comptait vraiment le faire. Qu’elle garce ! Elle doit se délecter de voir ma mine décomposée. Je suis amassée dans une salle de spectacle entre Evelyne et une femme branchée -tailleur Chanel s’il-vous-plait. Prise en guet-apens. Tellllement chic !
Une jeune femme aux cheveux ridiculeusement orange s’installe devant moi, et avec elle, une âcre odeur de tabac. Mes bas me grattent et ma jupe me compresse la taille. Les calamars à la sauce américaine avalés par dépit chez mon amie, sont très nettement en désaccord avec mon organisme. J’observe la salle qui se remplit. A présent, elle est pleine à craquer de jeunes effarouchés, à l’âme plus ou moins faussement artistique, veillant tard afin d’abreuver leur soif de culture. Je méprise tous ces gens qui sont pour la plupart d’entre eux, rien d’autre que des fils à papa, bourrés d’idéaux libertins qu’ils peuvent se permettre d’avoir uniquement parce que la moitié de l’industrie du coin appartient à leur père. Je dois les regarder avec dédain, je n’en suis pas sûre, mes yeux se ferment tous seuls. Je tente de me faire violence afin de les