François- René de Chateaubriand (1768-1848) instaure un premier romantisme fondé sur des expériences très précises de l’auteur, enfant solitaire au château de Combourg voyageur en Amérique et émigré en Angleterre. René est la suite du roman Atala, ou Les Amours de deux sauvages dans le désert. A été compose à Londres, dans les derniers années du XVIII siècle, comme un épisode de la grand épopée de Natchez, pour illustrer le „vague des passions.” René est l’une des premiers et des plus éclatantes manifestations de ce qu’on appellera après 1830 le „mal du siècle”- à tel point qu’on emploiera comme expression jumelle „le mal de René.” Du „mal du siècle”, on trouve des antécédents chez Rousseau ou chez Goethe. Toujours dans la Préface de 1805, Chateaubriand s’en prend au premier, introducteur de „ces rêveries si désastreuses et si coupables”, comme à la seconde, dont Les Souffrances du jeune Werther (1774) n’ont fait que renforcer le poison en germe, c’est-à-dire „le travers particulier des jeunes gens du siècle, le travers qui mène directement au suicide.” René est un aristocrate, mal à l’aise dans la société de son temps, enclin à la neurasthénie, à la sauvagerie solitaire, à des passions et des exaltations, sans cesse alimentées par un idéal chimérique ou la soif d’absolu. René est aussi l’homme d’un monde sur lequel est passée la Révolution. Un individu en porte-à-faux dans la société moderne, pré- et post-révolutionnaire, refusant, malgré les objurgations de sa sœur et du Père Souel, de prendre un état, de sortir de sa solitude et de sa passivité pour s’insérer dans la vie de la cité et en devenir un membre actif, responsable. L’histoire est située non à l’époque révolutionnaire mais au début du grand bouleversement politique, social, religieux, moral, dont 1789 sera le point culminant. C’est alors que la France bascule dans une ère nouvelle, avec des Lumières, l’esprit philosophique, le reniement des valeurs anciennes,