Emmanuel Saulnier (1994), Vassieux-en-Vercors (Drôme).
Emmanuel Saulnier
Né en 1952, il enseigne la sculpture à l’École des beaux-arts de Paris. Ce grand dessinateur travaille à partir du verre, en jouant sur sa transparence et sa fragilité. Il invente, à partir de 1982, une série de Colonnes remplies d’eau. Dans des lieux publics, on peut visiter son installation Hommage à Rousseau (château d’Annecy, 1991), Deux Dépendants (barrage Vauban, Strasbourg, 1995), ainsi qu’Être loin, inauguré en 2003 à Brest.
"Le terme sculpture, écrit-il en 2000, peut conduire aujourd’hui encore à renouveler la tenue des choses et la prise sur le réel. "
Par Paul-Louis Rinuy
Composé de simples stèles de verre transparent, ce monument de Vassieux-en-Vercors est avant tout un lieu de silence et de recueillement, situé à l’emplacement où furent assassinés, par l’armée allemande, plus de soixante-dix civils, entre les 14 et 22 juillet 1944.
Ces stèles d’Emmanuel Saulnier, je les comprends dans leur simplicité, leur légèreté par rapport au paysage, comme une réponse à un art parfois trop bavard ou prétentieux. Chaque plaque de verre est nue, comme un "bouclier transparent" contre la barbarie et l’oubli.
Cette transparence marque le refus de s’imposer au regard du spectateur. Certaines stèles sont, de fait, si peu hautes, quarante centimètres environ, qu’on ne les découvre qu’après un premier regard.
À quoi bon rappeler cet événement, cinquante ans après la tragédie, alors même que la commémoration est souvent un alibi qui empêche de s’engager contre les horreurs du temps présent? La Première Guerre mondiale a suscité une folie des statues sans précédent. Dans chacune des 36000 communes françaises furent ainsi érigés au fil des années 1920 des monuments aux morts. On les a, depuis lors, oubliés. Mais les monuments commémoratifs ne sont-ils pas dans leur absurde prétention à s’imposer à notre regard, victimes de leur volonté moralisatrice? Loin de garder vivant le souvenir, ils