C'est en 1905 qu'Alain-Fournier (pseudonyme d'Henri-Alban Fournier) a pour la première fois l'idée d'écrire un roman. Il vient de rencontrer une jeune fille, Yvonne de Quiévrecourt, qui deviendra son obsession et son premier échec amoureux: à cause de cette déception il échoue deux fois le concours d'entrée à l'École Normale Supérieure. Et c'est l'échec, ou plutôt la nostalgie, qui marque sa vie depuis son enfance: né en 1886 à La Chapelle d'Angillon, dans la campagne de la Sologne, les cinq premières années de son existence seront toujours à ses yeux le paradis perdu, le symbole même du regret. Le déménagement de sa famille vers Epineuil-le-Fleuriel et ensuite son départ vers le lycée à Paris, signifient pour lui s'éloigner de son enfance heureuse et déjà idéalisée. Il est tué au début de la guerre, en 1914, un an après la publication de son premier et unique roman, qui était en train de connaître un très grand succès auprès du public.
Mon credo en art et en littérature: l'enfance (22 août 1906). Le Grand Meaulnes est donc un roman qui doit recréer cette enfance rêvée, non pas seulement à travers les lieux, la topographie, mais aussi et surtout à travers les impressions d'autrefois. Le résultat est un roman qui se déroule comme un souvenir d'enfance, où la séparation entre rêve et réalité est incertaine, et tout est pénétré de sentiments de nostalgie et de regret. Ce lien avec le monde de l'enfance et de l'imagination était déjà très fort dès le début: en 1905 il décrit son projet de roman comme un ouvrage sans personnages et sans histoire, pour laisser la place aux rêves qui se rencontrent ou encore, en 1910, comme un roman d'aventures et de découvertes.
L'enfance, les paysages de la Sologne, Yvonne sont les mythes d'Alain-Fournier, et Le Grand Meaulnes n'est qu'un moyen pour les atteindre, un roman-quête.

Dimension réelle et dimension imaginaire

La dimension spatiale du roman est double: l'auteur trace grâce à de nombreux détails les contours d'un espace