Revirement de jurisprudence
Jurisprudence en droit privé français et exigences de sécurité juridique
Jean-Yves Chérot Université Paul Cézanne Laboratoire de théorie du droit www.labotheoriedudroit.univ-cezanne.fr
I. – Introduction. En droit privé français, comme dans les pays de « civil Law », la règle jurisprudentielle n’a pas « un mode existence régulé par une norme juridique supérieure »1 ; il n’existe tout simplement pas de méthodologie officielle de la jurisprudence, de ses fondements, de sa portée, de sa force et de son interprétation. C’est une différence avec ce qui passe dans les systèmes de common Law qui connaissent une méthodologie générale de la création du droit par le juge et de l’application de ce « judge made Law ». Naturellement, il serait possible de renvoyer dos à dos les méthodes officielles des systèmes de common law et l’absence de méthode officielles au profit de la simple approche académique dans les systèmes de civil law. Les méthodes officielles des uns et les approches académiques des autres ne font-elles pas la part trop belle au formalisme et à la croyance dans un système de droit fondé sur les règles ? La liberté démontrée du juge à l’égard des règles qu’elles trouvent leur sources dans les lois ou dans les précédents serait destructrice de toute méthodologie juridique formaliste. Mais convient de distinguer la liberté du juge de créer du droit au moment de faire application des textes ou des précédents et la thèse du scepticisme à l’égard d’un système de droit fondé sur des règles. C’est que l’on passe d’une thèse à l’autre parce qu’on oublie les conditions réelles de fonctionnement de la décision judiciaire. C’est en considération de ces conditions réelles de fonctionnement de la décision judiciaire que les thèses « réalistes