Revisions
Dans Fin de partie, Beckett invente quatre personnages de clowns tristes condamnés à survivre ensemble. Si ce petit microcosme n’en finit pas de finir, c’est sans doute parce que les personnages sont indéfectiblement liés. Ils le sont d’abord par les circonstances qui les enchainent les uns aux autres, ils le sont aussi par les sentiments ambivalents qui les unissent
C’est d’abord l’hostilité du monde extérieur qui contraint les personnages à une cohabitation dans ce qu’ils appellent « le refuge ». Le monde inventé par Beckett est un monde qui a vécu un cataclysme, une catastrophe (et Beckett, en réduisant le langage à sa plus simple expression ouvre tous les champs d’interprétation : on peut songer au déluge biblique, aussi bien qu’à la catastrophe nucléaire dont la menace est très présente dans les années 50) : tout est « zéro », « mortibus » déclare Clov (p. 44) Les infirmités physiques dont ils souffrent tous contribuent aussi à les rendre dépendants les uns des autres : Nagg et Nell sont culs de jatte et vivent dans des poubelles. Hamm est aveugle et paralytique. Clov est le plus valide des personnages mais il souffre « j’ai mal aux jambes, c’est pas croyable. Je ne pourrai bientôt plus penser ». Du reste lui aussi est victime d’une anomalie : il ne peut pas s’asseoir. Les infirmités respectives de Hamm et de Clov illustrent bien la dépendance dans laquelle ils sont l’un de l’autre : Hamm est le maître et formule ses volontés ; Clov est servile et manque justement de volonté : « fais ceci, fais cela, et je le fais. Je ne refuse jamais » (p. 59) A ces éléments s’ajoute l’était d’indigence de plus en plus grande dans laquelle sont les personnages : « il n’y a plus de bouillie » (21), « il n’y a plus de dragées » (74), « il n’y a plus de calmant » (92) « il n’y a plus de cercueil » (100). Ils se torturent les uns les autres en jouant sur ces