Revoltes
Georges Lafenestre
A quoi bon prolonger la lutte et la révolte
A quoi bon prolonger la lutte et la révolte ?
Transmettre, sans scrupule, à d'autres combattants
Un mot d'ordre menteur qui mène aux guet-apens ?
Les laboureurs sont las de semer sans récolte.
Ce monde peut mourir ! je suis prêt et j'attends...
J'attends, j'attends encore... Ah ! suprême ironie !
Le rêve du néant, même, est un faux espoir !
Car voici que, soudain, là-bas, dans le fond noir
Tressaille, radieuse, ardente, rajeunie,
La fleur des vieux matins, comme un rouge ostensoir !
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Puisque la vie est là, cruelle, mais certaine,
Dans l'ivresse d'agir il faut bien oublier !
J'ai les bras, j'ai le coeur d'un vaillant ouvrier ;
Je ne veux m'endormir que sur ma gerbe pleine ;
Rêvant d'un maître juste et qui saura payer.
A la vie ! A la vie ! Et tous dans la lumière !
Sur la glèbe ou les flots, main calleuse et grands fronts,
Moissonneurs de pensers, ramasseurs d'épis blonds,
Tous les hommes, à l'oeuvre, et les lâches derrière !
Toi, poète, en avant, pour sonner les clairons !
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La révolte
Vers une ville au loin d'émeute et de tocsin,
Où luit le couteau nu des guillotines,
En tout-à-coup de fou désir, s'en va mon coeur.
Les sourds tambours de tant de jours
De rage tue et de tempête,
Battent la charge dans les têtes.
Le cadran vieux d'un beffroi noir
Darde son disque au fond du soir,
Contre un ciel d'étoiles rouges.
Des glas de pas sont entendus
Et de grands feux de toits tordus
Echevèlent les capitales.
Ceux qui ne peuvent plus avoir
D'espoir que dans leur désespoir
Sont descendus de leur silence.
Dites, quoi donc s'entend venir
Sur les chemins de l'avenir,
De si tranquillement terrible ?
La haine