Rimbaud marine
André Durand présente
‘’Marine’’
(1885)
Poème de RIMBAUD
Les chars d’argent et de cuivre - Les proues d’acier et d’argent - Battent l’écume, - Soulèvent les souches des ronces. Les courants de la lande, Et les ornières immenses du reflux, Filent circulairement vers l’est, Vers les piliers de la forêt, - Vers les fûts de la jetée, Dont l’angle est heurté par des tourbillons de lumière.
Analyse
Ce poème figurait au dos de “Nocturne vulgaire” et était écrit de la même encre pâlie. Il date vraisemblablement d'une époque où Rimbaud n'était pas encore entièrement libéré du préjugé de la versification, et se livrait, pour assouplir la forme, au même ordre de recherches que celui qui conduira les symbolistes au vers libre, ce poème ayant d’ailleurs pu avoir sur eux une grande influence. Le texte est, en effet, découpé en vers courts correspondant aux structures grammaticales mises ainsi en relief (sujets, verbes + compléments, compléments seuls, chute finale contenue en un vers plus long). On peut estimer qu’avec ‘’Marine’’, Rimbaud expérimenta pour la première fois la forme du vers libre.
Il effectua la fusion de deux éléments : celui de la mer (qui justifie le titre) et celui de la terre labourée ; il employa tout un vocabulaire maritime («proues», «écume», «courants», «reflux», «piliers», «jetée») et tout un vocabulaire agricole («chars», «souches», «ronces», «lande», «ornières», «forêt», «fûts»). Ces deux champs lexicaux comportent le même nombre (à un nom près) de termes. Une observation plus précise montre qu'ils sont à la fois rapprochés et dissociés :
- La dissociation : les termes de chaque champ lexical sont dissociés par leur place dans le poème (situation dans des vers différents, par exemple dans le quatrain du début où il y a enchâssement : les vers 1 et 4 englobent les vers 2 et 3) et par des regroupements insolites qui semblent les rapprocher de