Rire
Avant de jouir de l’importance qu’elle connaît aujourd’hui, l’oeuvre d’art, qu’elle soit littéraire, picturale ou encore musicale, a du lutter contre ses nombreux détracteurs. Accusés d’hérésie, d’amoralité, de perversion, de sadisme, les auteurs ont toujours du lui trouver une bonne raison d’exister et de tenir une place importante dans la société. Si l’on pouvait croire que cette lutte était terminée à l’aube du XXème siècle, la phrase d’Oscar Wilde, qui achève comme un couperet sa Preface au Portrait de Dorian Gray, vient prouver le contraire. Ceux qui pensent que « tout art est parfaitement inutile » ne sont pas encore résolus à admettre sans concession que l’oeuvre d’art soit avantageusement mis au service de l’artiste ou de la société. Face à un jugement si catégorique et absolu, on est en droit de se demander ce qui fait de l’art une pratique ou une technique qui ne peut nullement servir les hommes. C’est à cette interrogation que nous répondrons en analysant tout d’abord la tradition multiséculaire qui veut que l’oeuvre d’art soit utile, puis en nous tournant vers les auteurs qui refusent que l’art puissent être le soulagement des besoins humains. Nous nous interrogerons enfin sur l’influence qu’a pu avoir ce jugement et les lacunes qu’il porte en lui.
A travers cette phrase courte et absolument catégorique, Wilde réfute d’un trait une tradition multiséculaire qui exige qu’une œuvre d’art ait une fonction, qu’elle soit utile à l’expression de l’individu, qu’elle soit envisagée comme une source d’enseignement ou encore qu’elle soit considérée comme porteuse d’un jugement moral qui puisse être bénéfique à la société.
De nombreux artistes et auteurs ont considéré l’art comme une pratique utile qui peut être avant tout mise au service de l’artiste lui-même. Un poème lyrique peut être envisagé comme un moyen de