La France se confond tout d’abord avec une jeune et jolie Polonaise, Lila Bronicki, dont le jeune Ludovic Fleury tombe éperdument amoureux. Pour Lila, Ludo se bat contre Hans, jeune Juncker qui veut la conquérir ; pour la France, Ludo s’engage très tôt dans la Résistance. Pendant la guerre, Ludo, qui détenait le don familial de la mémoire historique, ne cesse de se souvenir. Il se souvient des jours d’enfance passés en compagnie de Lila, retournée depuis en Pologne et dont il n’a aucune nouvelle ; il se souvient de la France, avant qu’elle ne soit envahie par l’occupant. Plus encore, il les imagine… Son ancien professeur de français, M. Pinder, le lui a d’ailleurs conseillé : « La seule chose que je crains pour toi, Ludovic Fleury, c’est… vos retrouvailles. (…) La France, quand elle reviendra, aura besoin non seulement de toute notre imagination, mais encore de beaucoup d’imaginaire. Alors, cette jeune femme que tu as continué à imaginer pendant trois ans avec tant de ferveur, quand tu la retrouveras… Il faudra que tu continues à l’inventer de toutes tes forces. Elle sera sûrement très différente de celle que tu as connue… Nos résistants qui attendent de la France je ne sais quel retour prodigieux, donneront souvent dans le rire grinçant la mesure de leur déception (…). Rien ne vaut la peine d’être vécu qui n’est pas d’abord une œuvre d’imagination, ou alors la mer ne serait plus que de l’eau salée… »
Tout au long du roman, Romain Gary s’amuse avec les identités et leurs ambiguïtés.
Marcellin Duprat, propriétaire du Clos Joli, n’est pas un résistant ordinaire : alors que le pays a faim il accueille dans son restaurant – le plus français de tous – les hauts dignitaires du Reich. Surtout, il leur sert les plus grands plats de la cuisine nationale ! En réalité, Duprat a choisi sa stratégie : « Je ne tue pas les Allemands ; je les écrase ».
Le général von Tiele, haut responsable de l’armée allemande en Normandie, est francophile convaincu et gaulliste