Romances sans paroles
ARIETTES OUBLIÉES
I
Le vent dans la plaine Suspend son haleine. (Favart) C'est l'extase langoureuse, C'est la fatigue amoureuse, C'est tous les frissons des bois Parmi l'étreinte des brises, C'est, vers les ramures grises, Le chœur des petites voix. O le frêle et frais murmure ! Cela gazouille et susurre, Cela ressemble au cri doux Que l'herbe agitée expire... Tu dirais, sous l'eau qui vire, Le roulis sourd des cailloux.
1
Cette âme qui se lamente En cette plainte dormante C'est la nôtre, n'est-ce pas ? La mienne, dis, et la tienne, Dont s'exhale l'humble antienne Par ce tiède soir, tout bas ?
II
Je devine, à travers un murmure, Le contour subtil des voix anciennes Et dans les lueurs musiciennes, Amour pâle, une aurore future ! Et mon âme et mon cœur en délires Ne sont plus qu'une espèce d’œil double Où tremblote à travers un jour trouble L'ariette, hélas ! de toutes lyres ! O mourir de cette mort seulette Que s'en vont, - cher amour qui t'épeures, Balançant jeunes et vieilles heures ! O mourir de cette escarpolette !
III
Il pleut doucement sur la ville (Arthur Rimbaud) Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon cœur ?
2
O bruit doux de la pluie Par terre et sur les toits ! Pour un cœur qui s'ennuie O le chant de la pluie ! Il pleure sans raison Dans ce cœur qui s’écœure Quoi ! nulle trahison ?... Ce deuil est sans raison. C'est bien la pire peine De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine Mon cœur a tant de peine !
IV
De la douceur, de la douceur, de la douceur. (Inconnu) Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses: De cette façon nous serons bien heureuses Et si notre vie a des instants moroses Du moins nous serons, n'est-ce pas ? deux pleureuses. O que nous mêlions, âmes sœurs que nous sommes, A nos vœux confus la douceur puérile De cheminer loin des femmes et des hommes, Dans le frais oubli de ce qui nous exile ! Soyons deux