Salut
Jésus pleure dans les nuages.
Votre maman n’a pas à se plaindre de vous ? »
« Non, non, s’écrient les petits loups,
Dis-lui, maman, de vraies images.
On s’est même laissé lécher
Sans pleurer !
Que nous apportez-vous, papa, pour récompense ? »
« Un beau petit agneau tout frais,
Vous voyez, il palpite encore… »
« Quelle chance !
Crient les mignons. Papa, laissez-nous l’achever. »
« ils se portent bien, ils dévorent »
Dit la louve, l’œil attendri.
Et le couple, comblé, regarde
Le joyeux carnage de ses chers petits.
« Je n’ai jamais vu de loup plus dur, dit le garde.
Pissant le sang partout, dix balles dans le corps
Sur ses pattes brisées il se dressait encor.
La louve près de lui était déjà ruée,
Les louveteaux aussi. Il ne défendait plus
Que des cadavres. À la fin pourtant on l’a eu.
Et savez-vous, en rentrant de cette curée,
Ce que m’a dit la plus petite de mes filles ?
Pour un mot d’enfant, ce n’est pas banal… »
Le garde aussi aime bien sa famille…
Un monde d’innocents se tue et se torture.
Ce grouillement géant de meurtres et de mal,
Sous le regard froid de la lune,
C’est ce que l’homme appelle une nuit pure…
Pour Monsieur Lazareff, rien à mettre à la une
Dans son journal.
Texte E : Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l’éducation, 1762.
Dans Émile ou De l’éducation, Rousseau expose ses principes d’éducation idéale. Émile n’apprendra jamais rien par cœur, pas même des fables, pas même celles de La Fontaine, toutes naïves, toutes charmantes qu’elles sont ; car les mots des fables ne sont pas plus les fables que les mots de l’histoire ne sont l’histoire. Comment peut-on s’aveugler assez pour appeler les fables la morale des enfants, sans songer que l’apologue, en les amusant, les abuse ; que, séduits par le mensonge, ils laissent échapper la vérité, et que ce qu’on fait pour leur rendre l’instruction agréable les empêche d’en profiter ? Les fables peuvent instruire les hommes ; mais il faut dire la vérité nue aux enfants : sitôt