Salvador dali
Le treize mai 1904, jour de la naissance de Salvador Dalí, « le vent a cessé de souffler, le ciel est pur ». Dans les golfes de Rosas et d’Ampurias où les Grecs et les Phéniciens avaient « préparé le lit des civilisations et les draps propres et théâtraux de [sa] naissance », la Méditerranée est calme et « sur son dos lisse de poisson, on peut voir briller comme des écailles, les sept reflets du soleil »1. Théâtralisant de la sorte le récit de sa vie depuis sa naissance, et même de sa période prénatale, Dalí travaille toute sa vie à être, sinon le roi, en tout cas le génie qu’il était prédestiné à être. Dès la réalisation de ses premières toiles, l’autoreprésentation constitue donc un enjeu majeur de sa création, que ce soit à travers la pratique de l’autoportrait ou à travers celle du paysage, projetant dans l’espace théâtral de sa terre natale l’histoire mythique de ses origines.
Représentations de soi
Quittant en 1922 l’École municipale de dessin de Figueres, sa ville natale en Catalogne, Dalí part à Madrid étudier la peinture, la sculpture et la gravure à l’Académie des Beaux-arts de San Fernando. Il rapporte qu’on y encourageait les étudiants à trouver leur propre manière. Paradoxalement, ses camarades et même la plupart de ses professeurs en étaient restés, selon ses dires, au mouvement impressionniste qu’ils considéraient comme le sommet de l’avant-garde, peinture qu’il avait pour sa part découverte à douze ans, chez le peintre Ramon Pichot qui l’avait accueilli dans sa propriété El Molí de la Torre, aux alentours de Figueres.
Outre ses premiers attraits pour le néo-impressionnisme, son adhésion au noucentisme2 catalan, Dalí s’intéresse au cubisme parisien, au futurisme italien aussi bien qu’à dada et, dans le domaine littéraire, à l’ultraïsme3 espagnol. Selon ses propres mots, il s’ingénie durant cette période à inventer des manières de peindre inspirées de ces différents mouvements, et plus particulièrement du cubisme