scenario
Rhinocéros – Acte III
Dudard vient rendre visite à Béranger souffrant. Il réprimande sa faiblesse pour la boisson, il suggère que le manque de volonté dans ce domaine peut faciliter la rhinocérisation de Bélanger. Bélanger vit une attaque de panique. Dudard tente de le rassurer.
DUDARD. – Je plaisantais, Béranger, voyons. Je vous taquinais. Vous voyez tout en noir, vous allez devenir neurasthénique, attention. Lorsque vous serez tout à fait rétabli de votre choc, de votre dépression, et que vous pourrez sortir, prendre un peu d’air, ça ira mieux, vous allez voir. Vos idées sombres s’évanouiront.
BÉRANGER. – Sortir ? Il faudra bien. J’appréhende ce moment. Je vais certainement en rencontrer…
DUDARD. – Et alors ? Vous n’avez qu’à éviter de vous mettre sur votre passage. Ils ne sont pas tellement nombreux d’ailleurs.
BÉRANGER. – Je ne vois qu’eux. Vous allez dire que c’est morbide de ma part.
DUDARD. – Ils ne vous attaquent pas. Si on les laisse tranquilles, ils vous ignorent. Dans le fond, ils ne sont pas méchants. Il y a même chez eux une certaine innocence naturelle, oui ; de la candeur. D’ailleurs, j’ai parcouru moi-même, à pied, toute l’avenue pour venir chez vous. Vous voyez, je suis sain et sauf, je n’ai eu aucun ennui.
BÉRANGER. – Rien qu’à les voir, ça me bouleverse. C’est nerveux. Ça ne me met pas en colère, ça peut mener loin, la colère, je m’en préserve, mais cela me fait quelque chose là (il montre son cœur), cela me serre le cœur.
DUDARD. – Jusqu’à un certain point, vous avez raison d’être impressionné. Vous l’êtes trop, cependant. Vous manquez d’humour, c’est votre défaut, vous manquez d’humour. Il faut prendre les choses à la légère, avec détachement.
BÉRANGER. – Je me sens solidaire de tout ce qui arrive. Je prends part, je ne peux pas rester indifférent.
DUDARD. – Ne jugez pas les autres, si vous ne voulez pas être jugé. Et puis si on se faisait des soucis pour tout ce qui se passe, on ne pourrait plus vivre.
BÉRANGER. – Si cela