SCHOPENHAUER
« Et tout d’abord toute société exige nécessairement un accommodement réciproque, une volonté d’harmonie : aussi, plus elle est nombreuse, plus elle devient fade. / On ne peut être vraiment soi qu’aussi longtemps qu’on est seul ; qui n’aime donc pas la solitude n’aime pas la liberté, car on n’est libre qu’étant seul. Toute société a pour compagne inséparable la contrainte et réclame des sacrifices qui coûtent d’autant plus cher que la propre individualité est plus marquante. / Par conséquent, chacun fuira, supportera ou chérira la solitude en proportion exacte de la valeur de son propre moi. Car c’est là que le mesquin sent toute sa mesquinerie et le grand esprit toute sa grandeur ; bref, chacun s’y pèse à sa vraie valeur. »
(1) (a) Rousseau affirme dans Du contrat social (Livre I, chap.8) que le passage de l’Etat de nature (hypothétique) à l’Etat civil « fit d’un animal stupide et borné, un être intelligent et un homme ». De même Kant par la métaphore de l’arbre et de la forêt soulignait les effets positifs de la vie en société obligeant chacun à s’élever, à se dépasser, à se redresser, à se réaliser en luttant contre sa paresse naturelle. L’homme aurait donc un besoin naturel de vivre parmi ses semblables, c’est par et dans la société qu’il se réalise en tant qu’homme. (b) Mais Rousseau reconnaissait aussi que « l’homme est né libre et partout il est dans les fers ». Les fers ne sont pas pour lui seulement les lois liberticides d’Etats indignes de ce nom, ce sont aussi les fers de la dépendance économique, affective ou psychologique qui font que ne pouvant se passer les uns des autres, on accepte certaines concessions, compromissions qui finissent par faire de la vie en collectivité, une grande comédie. C’est le triomphe de « la grimace » comme le décrivait Pascal, où « on s’entre-trompe, s’entre-flatte », où on n’est jamais soi, mais où