Senancour
D'où le ''mal du siècle'' provient-il ?
Manifestations du ''mal du siècle''
Inhérent à la condition humaine, le ''mal du siècle'' hypertrophie et s'exaspère à l'époque de Senancour
Le « mal du siècle » apparait après 1830 pour désigner une forme spécifique de maladie morale donnée comme le propre d'une époque. Dans sa Confession d'un enfant du siècle (1836) A. de Musset écrit : « toute la maladie du siècle présent vient de deux causes. Le peuple, qui a passé par 93 et par 1814, porte au cœur deux blessures. Tout ce qui était n'est plus, tout ce qui sera n'est pas encore ». Déchiré entre le passé et l'avenir, l'épistolier exprime tantôt sa nostalgie vis-а-vis des régimes que la France a connu après la Révolution (« il y a trente ans, l'ordre était »), tantôt la frustration qu'il éprouve parce qu'il est né trop tard pour connaître cette période de progrès (« et je n'étais point », « dont je n'ai pas joui »).
Nostalgique, mais déçu au point de feindre le détachement (il prétend voir le passé s'éloigner « sans peine »), l'épistolier se tourne vers l'avenir, mais ce dernier ne lui inspire pas plus de sentiments positifs (« je n'aime pas ») que le passé.
[...] L'affrontement entre le monde et le moi peut se résoudre par l'effacement du moi, le refuge dans la tour d'ivoire de la réflexion, la fuite dans la rêverie nostalgique sur le passé ou l'ailleurs (comme c'est le cas ici), ou, dans d'autres textes, par la fusion avec la nature (Oberman y songe un instant) . ou, plus grave encore, par le suicide, comme chez Werther. Mélancolie propre а l'auto-analyse, égotisme (culte du moi valorisation de la singularité : tous les traits du mal du siècle sont en germe dans le texte de Senancour.