Six coups de minuit
Franky « Figgs » Figgaloa, ouais, je l’ai connu ce gars-là. Quand j’ai commencé comme livreur pour le syndicat en 1932, c’est lui qui m’a accueilli les bras ouverts avec un joyeux « Salve mio amico. Tu es le nouveau toi, pas vrai? Va bene, comment vas-tu? » À première vue, on le confondait avec tous les autres italiens du syndicat avec son Fedora et son imperméable noirs par-dessus un costume grisonnant sur mesure et un terrible accent qu’un comédien radio ne saurait caricaturer. Une parfaite copie conforme mis à part des dents blanches constamment visibles sous son épaisse moustache et une ceinture de cuir vieillie qui pendait de ses hanches. Il a porté ses mains à ses poches en découvrant un étui de cuir qui portait la fierté de Franky Figgs : son révolver Colt à percussion modèle 1848, une arme mythique qui fait partie de la légende de Franky Figgs et dont la notoriété a traversé les âges.
« Alors voici comment on va procéder. Ora, tu as le temps de t’amuser un peu, les règles de la compagnie nous dissent pas d’alcool, mais tant que tu peux encore marcher sans essayer d’imiter Big Bill Broonzy, ça va pour moi, bene? Il te reste une demi-heure avant que la cargaison arrive alors on se détend et l’on recommence à minuit, mais pas une minute de retard, capito? »
La demi-heure qui a suivi a été la meilleure de ma vie. On a tous joué aux cartes avec Franky, ce qui m’a surpris, car les grosses pointures ne mêlent pas brutes comme nous. Après quelques mauvaises mains, Franky est tombé à plat et j’ai saisi ma chance d’étancher ma curiosité.
« Hey dit moi Franky, pourquoi gardes tu cette relique centenaire au lieu d’avoir une Thompson comme tout le monde? »
Son regard s’est enflammé. Tout en posant l’arme sur la table, il a réajusté sa cravate et s’est éclairci la voix.
« Ceci, mon garçon, ce n’est pas n’importe quelle arme. C’est Dragoon le destructeur, fabriqué par Samuel Colt lui-même et a été donné au Major-Gouverneur Kearny qui l’a égaré