Socrate avait-il raison de s'enfuir
Rappelons d’abord que c’est sur ce principe de justice que se fonde l’argument principal de la prosopopée des Lois athéniennes. C’est celui du « contrat ». Cet argument dit en effet qu’en s’évadant, Socrate brise injustement une entente juste contractée par lui avec l’État athénien. L’État l’a éduqué, élevé, nourri, etc. De plus, Socrate est toujours demeuré à Athènes et n’a jamais critiqué l’État athénien. Donc, Socrate aurait reconnu que les lois athéniennes sont justes ; il s’est donc engagé à les respecter et à leur obéir. En s’évadant pour sauver sa vie, il rompt ce contrat. Socrate contreviendrait donc au principe suivant lequel si on s’entend sur quelque chose de juste, on doit tenir sa parole et faire ce qui est juste. Or ce principe n’est pas (toujours) valable. Certes, il est juste de tenir ces promesses, mais pas toujours quand cela est injuste. Prenons l’exemple suivant. Après une dure journée de labeur, vous convenez, vous et compagnon de travail, de vous partager une pizza en partageant son coût, moitié-moitié. Cela vous paraît juste. Mais, une fois la pizza arrivée, votre compagnon décide qu’il a trop faim pour la partager avec vous. De plus, il vous demande de respecter votre entente en payant la moitié du prix, telle que convenue. Est-ce juste ? – Non, pas du tout. Vous n’avez pas à payer votre part quand on vous prive du bien pour lequel vous payer. Pourtant, c’est ce à quoi vous enjoint le quatrième principe de justice. Donc, même en supposant qu’il y ait eu bel et bien une espèce de « contrat » entre Socrate et les Lois athéniennes (ce qu’on peut contester, voir le contre-argument 3 qui suit), en étant condamné injustement par le tribunal athénien, Socrate subit une injustice car le tribunal ne remplit pas son « contrat », à savoir rendre des sentences justes. Signerait-on un contrat où, si l’on est condamné injustement, il faut subir quand même la peine de mort? Absolument pas