Sonnet pour helene
Ce pin, où tes honneurs se liront tous les jours :
J'ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours,
Qui croîtront à l'envi de l'écorce nouvelle.
Faunes qui habitez ma terre paternelle,
Qui menez sur le Loir vos danses et vos tours,
Favorisez la plante et lui donnez secours,
Que l'Été ne la brûle, et l'Hiver ne la gèle.
Pasteur, qui conduiras en ce lieu ton troupeau,
Flageolant une Eglogue en ton tuyau d'aveine,
Attache tous les ans à cet arbre un tableau,
Qui témoigne aux passants mes amours et ma peine ;
Puis l'arrosant de lait et du sang d'un agneau,
Dis : " Ce pin est sacré, c'est la plante d'Hélène. "
"Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle", Ronsard, in Sonnets pour Hélène
Le commentaire composé :
Introduction :
Après la mort de Charles IX en 1574, Ronsard s'éloigne de la Cour, le nouveau roi, Henri III, lui préférant comme poète officiel Desportes (1546-1606), écrivain précieux plaisant et facile. Ses œuvres les plus connues ont déjà été publiées, et, lors de sa retraite, il est renommé dans l'Europe entière. Retraite mélancolique mais confortable d’un grand homme entouré de respect et comblé de bénéfices ecclésiastiques grâce auxquels il vieillit sans rigueurs, tout en écrivant ses recueils de Sonnets à Astrée, à Hélène. Il a rencontré dans l'entourage de Catherine de Médicis la belle Hélène de Surgères, pour qui, nonobstant une grande différence d'âge, il compose 130 sonnets amoureux (Sonnets pour Hélène, 1578), et à travers elle, les dédie à une image mythique de la femme.
Le poème "Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle" est exactement dans cette veine : le poète célèbre et chante les vertus d'Hélène, dont le nom ferme le sonnet. De facture régulière, celui-ci encadre et déroule le lyrisme de Ronsard. Il s'agira de voir en quoi Ronsard, dans le contexte renaissant de redécouverte de la forme du sonnet, travaille ce moule poétique, et quelle poétique il en tire. Ici, entre