Sonnet à hélène
1 Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle ! » 5
Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle. 10
Je serais sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
15 Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. INTRODUCTION
Prendre conscience du temps qui conduit à évoquer la vieillesse, c'est ce que fait Ronsard dans ce sonnet adressé à Hélène. Si elle se reconnaît dans l'image cruelle d'une jeune femme nostalgique, elle comprendra qu'il faut profiter du présent. La vie humaine est aussi brève que celle des roses.
On pourra analyser successivement :
I. L'originalité de la demande amoureuse.
II. La célébration de la poésie
I. ORIGINALITÉ DE LA DEMANDE AMOUREUSE
1. Une image peu flatteuse.
Sa beauté est passée. Ce sonnet a été écrit pour Hélène, or il ne cherche pas à la célébrer mais lui renvoie plutôt une image peu flatteuse d'elle même. Sa beauté n'apparaît qu'à l'imparfait « Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle » (v.4).
Son dédain. Au moral non plus, Hélène n'est pas célébrée. Son attitude en face de Ronsard est évoquée pour être regrettée. Elle apparaît en effet dans une attitude de dédain en face de l'amour qui lui est offert « regrettant mon amour et votre fier dédain » (v.12).
Sa vieillesse, non sans une certaine cruauté, Ronsard préfère envisager l'heure des souvenirs mélancoliques. A deux reprises, il se plaît à faire envisager à Hélène sa vieillesse : « Quand vous serez bien vieille » (v.1), « vous serez au foyer