Souveraineté
L’opposition ainsi décrite et la faille grandissante entre les noyaux centraux, les pôles majeurs d’un État et ses périphéries pose inévitablement la question de la valeur et de la signification du tracé frontalier. Quelles sont en effet les conséquences pour la population et pour les États d’un tracé frontalier qui ne cesse de basculer entre «risque et avantage»16 ? Si la frontière représente une discontinuité et une ligne de rupture, marquée par des conflits entre
États et populations, elle est aussi un pont et favorise des rapports souvent privilégiés et très actifs entre populations de part et d’autre de cette frontière. La frontière et sa signification changent en effet selon les lieux et les époques17.
T.-L. Weiss – Réflexion sur la crise de l’État en Afrique
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Michel Foucher donne une définition générale des frontières18 :
«Les frontières sont des structures spatiales élémentaires, de forme linéaire, à fonction de discontinuité géopolitique et de marquage, de repère, sur les trois registres du réel, du symbolique et de l’imaginaire.»
L’auteur explique que cette discontinuité joue entre des souverainetés, des histoires, des sociétés, des économies, des États, et souvent, entre des langues et des nations. La fonction de la réalité, c’est pour lui la limite spatiale de l’exercice d’une souveraineté dans ses modalités propres : ligne ouverte, entrouverte ou fermée. La fonction symbolique renvoie à l’appartenance à une communauté politique inscrite dans un territoire qui est le sien; elle a donc trait à l’identité.
La fonction de l’imaginaire connote finalement le rapport à l’Autre, voisin, ami ou ennemi, donc la relation à soi-même, à sa propre histoire et à ses mythes fondateurs, ou destructeurs. Et
Foucher de conclure que l’émigré ou le réfugié sait bien «imaginer» ce qu’il attend de la traversée de la «ligne». La frontière n’est donc pas une banale limite fonctionnelle, au seul rôle juridique ou fiscal. Elle