Sport resumé
Devoir en classe 6
Georges DUHAMEL
Les méfaits du sport
Et puis, qu’est-ce que c’est que ce sport où vingt-cinq gaillards s’essoufflent, pendant que quarante mille bougres, immobiles, attrapent des rhumes, fument la cigarette et ne donnent d’exercices qu’à leurs cordes vocales? Je ne dédaigne pas l’exercice corporel: je l’aime, je le recommande, je le souhaite souvent,
5
au fond d’une retraite trop studieuse. Mais cette comédie du sport avec laquelle on berne et fascine toute la jeunesse du monde, j’avoue qu’elle me semble assez bouffonne. Le sport devrait être, avant tout, une chose personnelle, discrète, ou même un jeu de libres compagnons, une occasion de rivalités familières et surtout un plaisir, un amusement, un thème de gaieté, de récréation.
10
Le sport est devenu la plus avantageuse des entreprises de spectacle. Il est devenu la plus étonnante école de vanité. L’habitude, allègrement acquise, d’accomplir les moindres actes du jeu devant une nombreuse assistance a développé, dans une jeunesse mal défendue contre les chimères, tous les défauts que l’on reprochait naguère encore aux plus arrogants des cabotins. Il s’est fait un bien étrange déplacement de la curiosité populaire. Quel ténor d’opérette, quel romancier
15
pour gens du monde ou du demi-monde, quel virtuose de l’éloquence politique peut se vanter, aujourd’hui, d’être aussi copieusement adulé, célébré, caricaturé que les chevaliers du «ring», du stade ou de la piste ...? Je parle de tous ces enfants que l’on disait avec juste raison des amateurs parce qu’ils aimaient quelque chose, et que l’on voit se transformer bien vite en sportsmen de métier, vaniteux, cupides, qui cessent d’aimer leur plaisir dès qu’il devient un gagne-pain.
20
L’ambition, sans doute noble en soi, de briller au premier rang pousse un grand nombre de jeunes hommes à réclamer de leurs corps des efforts auxquels ce corps paraît peu propre. Le sport n’est plus, pour beaucoup, un