Stendhal le rouge et le noir chapitre 1
Enfin il la trouva qui sortait de sa chambre à lui, Julien, emportant un de ses habits. Ils étaient seuls. Il voulut lui parler. Elle s’enfuit en refusant de l’écouter. – Je suis bien sot d’aimer une telle femme, l’ambition la rend aussi folle que son mari.Elle l’était davantage, un de ses grands désirs, qu’elle n’avait jamais avoué à Julien de peur de le choquer, était de le voir quitter, ne fût-ce que pour un jour, son triste habit noir. Avec une adresse vraiment admirable chez une femme si naturelle, elle obtint d’abord de M. de Moirod, et ensuite de M. le sous-préfet de Maugiron, que Julien serait nommé garde d’honneur de préférence à cinq ou six jeunes gens, fils de fabricants fort aisés, et dont deux au moins étaient d’une exemplaire piété. M. Valenod, qui comptait …afficher plus de contenu…
de La Mole, réduit à Julien fut étonné de lui trouver des idées. Il se faisait lire les journaux. Bientôt le jeune secrétaire fut en état de choisir les passages intéressants. Il y avait un journal nouveau que le marquis abhorrait ; il avait juré de ne le jamais lire, et chaque jour en parlait. Julien riait. Le marquis irrité contre le temps présent se fit lire Tite-Live ; la traduction improvisée sur le texte latin l’amusait.Un jour le marquis dit avec ce ton de politesse excessive qui souvent irritait Julien :- Permettez, mon cher Sorel, que je vous fasse cadeau d’un habit bleu : quand il vous conviendra de le prendre et de venir chez moi, vous serez à mes yeux, le frère cadet du comte de Chaulnes, c’est-à-dire le fils de mon ami le vieux duc.Julien ne comprenait pas trop de quoi il s’agissait ; le soir-même il essaya une visite en habit bleu. Le marquis le traita comme un égal. Julien avait un cœur digne de sentir la vraie politesse, mais il n’avait pas d’idée des