Stophes pour se souvenir aragon
Le poème s’inscrit d’emblée dans une démarche de mémoire et d’hommage. Pour maintenir en vie le souvenir contre les assauts du temps (« onze ans » qui ouvre et termine le vers 3), Aragon va brosser un portrait élogieux des résistants, tout en dénonçant la parodie macabre de l’affiche rouge.
L’éloge des résistants
Caractère désintéressé de leur action. Les négations successives dans les deux premiers vers soulignent le refus des honneurs (« gloire ») et la volonté de ne pas sombrer dans le pathos (« les larmes »). Cette pudeur sera d’ailleurs présente dans le discours de Manouchian. Toute dimension religieuse est également exclue (« ni l’orgue, ni la prière »). C’est par amour pour la liberté et l’humanité qu’ils donnent leur vie, et non pour acheter leur salut.
Pas de crainte de la mort. Elle ne les « éblouit » pas (v. 5), autrement dit elle ne les rend pas aveugles, ne fait pas trembler leur détermination. Contrairement à ceux qui marchent « sans yeux » (v. 12), les résistants sont restés lucides (au sens étymologique du terme, « plein de lumière », celle de la vie).
Humilité et sérénité : « simplement » (v. 4), « calmement » (v. 18).
Sacrifice d’autant plus grand qu’ils ne sont pas français. Ils se battent pour leur terre d’adoption, la terre qu’ils ont choisie ; « Français de préférence » (v. 11), « MORTS POUR LA FRANCE » (v. 14). Ils apparaissent comme plus patriotes que bien des Français qui marchent « sans yeux » (v. 12) pour eux, métaphore marquante puisqu’elle suppose l’aveuglement et l’obscurantisme. Ce paradoxe est magnifiquement résumé par l’antithèse « vingt et trois étrangers et nos frères pourtant » (v. 33), qui montre que le simple cadre de la nation est dépassé par celui, plus vaste et plus fédérateur, des valeurs partagées.
On apportera quelques précisions historiques. En réalité, tous les membres du groupe Manouchian n’étaient pas étrangers : trois d’entre eux étaient français. Olga Bancic, la seule femme du groupe, n’a