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Vers 1962 débarquent à Bastia et Ajaccio les premiers "rapatriés" d'Algérie, qu'on nomme les "Pieds-noirs".
Au total, ils ne sont pas très nombreux : une vingtaine de milliers sans doute, femmes et enfants compris (soit 10% de la Corse).
La SOMIVAC leur avait préparé le terrain. La plaine orientale, où régnait jadis la malaria, assainie par les Américains au cours de la Seconde Guerre mondiale, a été aménagée, viabilisée. De vastes travaux d'irrigation, de retenue d'eau dans les montagnes qui la dominent, d'électrification, ont fait de cette étendue de ronces et d'eaux stagnantes une plaine agricole, avec 43 000 hectares cultivables qui fournissent (jusqu'en 1984 environ) 70% des vins corses, 80% de la production fruitière de l'île et 85% de ses agrumes. Les terres furent divisées en lots et cédées aux agriculteurs rapatriés, qui bénéficièrent d'importantes aides financières.
Tout cela fut réalisé au vu des insulaires qui n'entrevoyaient pas, dans les années soixante, les possibilités économiques de l'agriculture et du secteur agroalimentaire, et qui croyaient encore, pour la plupart, en la valeur des débouchés administratifs traditionnels.
Les rapatriés virent rapidement leurs affaires prospérer. Dans le même temps, le tourisme prenait son essor, favorisé par la SETCO, et, au début des années 70, les "Pieds- Noirs" pouvaient considérer qu'ils avaient "réussi".
Cette réussite servait en outre de modèle aux Corses, qui constataient que l'on pouvait gérer confortablement sa vie en dehors des paradis administratifs et militaires perdus, et qui tentaient, eux aussi, de se lancer dans les affaires agricoles ou touristiques.
Les entreprises des rapatriés semblaient florissantes, certes, parce que ceux-ci y travaillaient d'arrache-pied, mais non pas uniquement pour cette raison. L'aide gouvernementale aux investissements, l'utilisation d'une main-d'oeuvre maghrébine à bas salaires, un certain laxisme fiscal et social,