Sujet de bac de français 2012 (série s et es)
Seigneur1, je ne saurais regarder d’un bon œil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire,
Sinon en leur marcher les princes contrefaire2,
Et se vêtir, comme eux, d’un pompeux appareil3.
5 Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S’il ment, ce ne sont eux qui diront le contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.
Si quelqu’un devant eux reçoit un bon visage4,
10 Ils le vont caresser, bien qu’ils crèvent de rage :
S’il le reçoit mauvais5, ils le montrent au doigt.
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite6,
C’est quand devant le roi, d’un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.
1 Seigneur : apostrophe conventionnelle en début de sonnet ; Du Bellay adresse son poème à un puissant.
2 Contrefaire : imiter l’allure des princes quand ils marchent.
3 Appareil : d’un vêtement digne d’un cérémonial magnifique.
4 Si quelqu’un reçoit […] un bon visage : est bien accueilli par le roi, ou par un puissant.
5 S’il le reçoit mauvais : s’il est mal accueilli.
6 Me dépite : ce qui m’irrite et me peine.
TEXTE B - Jean de La Fontaine, « La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion », Fables, livre I, 6, 1668
La Génisse, la Chèvre, et leur sœur la Brebis,
Avec un fier Lion, Seigneur du voisinage,
Firent société1, dit-on, au temps jadis,
Et mirent en commun le gain et le dommage.
5 Dans les lacs2 de la Chèvre un cerf se trouva pris.
Vers ses associés aussitôt elle envoie.
Eux venus, le Lion par ses ongles3 compta,
Et dit : « Nous sommes quatre à partager la proie. »
Puis en autant de parts le cerf il dépeça ;
10 Prit pour lui la première en qualité de Sire :
« Elle doit être à moi, dit-il, et la raison, C’est que je m’appelle Lion : À cela l’on n’a rien à dire.