Sujet d'invention lettre
86, Rue des Ponts
10000 Troyes (Aube) à M. Terratayre
Éditions du Concret
23000 Guéret (Creuse)
Merlimont, le 12 Janvier 2011
Monsieur,
Si je me permets de vous écrire, c'est que j'ai beaucoup apprécié l'audace dont vous avez fait preuve en publiant dernièrement des recueils poétiques de grande qualité, qui font la part belle à la réalité qui nous entoure, tels que Triste Banlieue ou Je sais pas rêver. J'ai joint à la présente lettre un recueil poétique en prose que j’ai composé; ma démarche est totalement opposée aux titres précédemment cités : mes poèmes sont dominés par le rêve et l'imaginaire ; s'il fallait les comparer à une œuvre connue, je dirais qu'ils sont dans la filiation formelle et thématique du Gaspard de la nuit d'Aloysius Bertrand. J'ai à cœur que vous publiiez cette œuvre, non pour satisfaire un certain ego, mais pour aboutir à ce que le rêve retrouve la place qui lui est due dans la poésie d'aujourd'hui.
D'abord, il me paraît évident que le but de la poésie est de faire rêver. Dans un monde où le quotidien est décevant, seule l'écriture poétique peut arracher le lecteur à la réalité en l'immergeant d’un univers où ses références sont remises en question, voire totalement abolies. À la manière d'Aloysius Bertrand, je m'amuse par exemple à faire exploser le cadre spatio-temporel, par une imprécision calculée dans les indices de durée. Dans « La ronde sous la cloche », A. Bertrand raconte une histoire dont la durée n'est suggérée que par les blancs séparant les différents paragraphes, c'est-à-dire des espaces indéfinis, des ellipses pendant lesquelles tout est possible.
Il faut évacuer certains préjugés : la poésie du rêve et de l'imaginaire ne sont pas complètement détachées du monde réel. Le plus souvent, elles partent du quotidien pour s'en détacher ou pour le transfigurer. Dans « La ronde sous la cloche », le poète est ainsi au « fond de son lit » ; c'est l'orage, phénomène bien réel, qui constitue le point de départ de sa