Sujet d'invention - l'assomoir de zola : la scène de l'alambic
Chère amie,
Mr. Coupeau et moi-même somment allés la nuit dernière au café l’Assommoir à Paris. Je ne connaissais pas ce lieu ; il régnait dans le quartier une atmosphère macabre, sombre, inquiétante. Les ruelles étaient remplies d’ivrognes qui passaient leurs journées et leurs soirées ici.
Dans le café, des tableaux représentants des bateaux décoraient ce lieu sinistre et la fumée des pipes et cigarettes que fumaient les hommes stagnait au plafond : je n’arrivais pas à respirer correctement. L’ambiance y était malheureuse et misérable. Le garçon de café prit commande, Cadet-Cassis avait choisi pour moi. Je voyais de loin, derrière la barrière de chêne, une énorme bête de cuivre rouge et le serveur qui la mettait en route. Les enroulements sans fin des tuyaux rouillés montraient l’horreur de cette machine. Aucune fumée ne s’en échappait, mais une forte odeur d’alcool flattait mon odorat. Cette machine était comme une besogne de nuit, nous n’entendions aucun souffle intérieur, aucun ronflement souterrain. Pendant le processus, Mr. Coupeau ne disait pas un mot, il me fixait avec son regard profond. Un regard qui me terrifiait mais qui m’attirait à la fois. Je pris donc parole et lui demanda de m’expliquer le fonctionnement de cette machine complexe. D’après lui, cet appareil était un alambic destiné à la séparation de produit par chauffage puis par refroidissement : le principe de la distillation. Il m’expliqua aussi par des termes effrayants les composants de cette monstruosité : il y avait le corps, le chapiteau, le col de cygne et le serpentin. Mr. Coupeau semblait très bien connaître son sujet. J’avais du mal à saisir ce vocabulaire alambiqué, mais cela ne m’importait guère. Enfin, le garçon de café arriva avec les deux chopes en verre rempli de cet alcool angoissant. De loin, l’alambic, sourdement, sans une flamme, sans une gaieté dans les reflets restreins des ses cuivres, continuait, laissait couler sa sueur d’alcool, pareil à une